• I Grandeur et décadence

             Il avait été un homme fort brillant, d'une intelligence remarquable et à la culture générale très poussée. Brillant orateur, il haranguait les foules de ses discours tous plus enflammés les uns que les autres. Doté d’une mémoire extraordinaire, il possédait ses dossiers sur le bout des doigts et n’était jamais pris en défaut lors des débats qui y étaient consacrés. Il savait écouter attentivement ses conseillers et retenir leurs propositions lorsqu’elles lui semblaient pertinentes, ce qui ne l’empêchait pas de trancher sans tergiverser lorsque l’heure était venue de prendre une décision.

    Mais depuis quelques temps déjà, ses proches et sa famille avaient remarqué son comportement bizarre. Ses éclats de rire inopinés, les longs silences dans lesquels il s'emmurait, ses absences répétées lors des discussions informelles, ses trous de mémoire soudains mais réguliers, et ses raisonnements dont lui seul suivait la logique.

    Personne n'osait cependant aborder franchement le problème avec lui. C'était si délicat… Un homme que l'on avait tant soutenu, aimé, admiré, adulé même ! Hélas ! Qui peut se prétendre à l'abri des ravages du temps ? Que ce soient les sillons tracés dans la peau, chaque année plus nombreux et plus profonds, les cheveux qui se raréfient et se blanchissent, les marches des escaliers qui semblent plus hautes, le poids des ans et des responsabilités, chaque jour un peu plus lourd, le corps qui s’avachit,… Chacun est, un jour ou l’autre, confronté à cette dure réalité de la vie qu’aucun lifting, botox ou liposuccion ne peut définitivement occulter…

    Et chez lui, il faut bien l’avouer, c’était le cerveau qui commençait à donner des signes de lassitude. Peut-être avait-il trop tiré sur la machine ?...

     Il était cependant resté d'humeur guillerette, et semblait trouver plaisir à revivre les joies simples et innocentes de l'enfance.

    Ainsi, il passait de longues heures au téléphone, à inventer mille et un canulars. Il avait fait installer un train électrique dans son salon et tirait la locomotive et ses wagons en sifflant ou en imitant le bruit de la vapeur. Il urinait dans le lavabo, distribuait des bonbons poivrés à son entourage et se vexait si l’on déclinait son offrande. Notre papy se curait même consciencieusement et ostensiblement le nez d'un air béat durant les réunions, puis jouait aux billes avec sa récolte.

    Tout cela lui était aisément pardonné : il avait tellement œuvré pour le bien de la collectivité ! Toute une vie au service des autres !... Mais il devenait capricieux, pleurait de rage lorsqu'on lui refusait quelque chose, et avait pris l'habitude, pour un oui ou pour un non, de frapper de sa canne les gens qui l'entouraient.

     Les plus grands spécialistes de gériatrie s'étaient perdus en conjectures. La progression du mal semblait inéluctable, et il fallut bien admettre que, tout exceptionnel que fut cet homme, la sénilité le guettait. C’était une question de mois, voire de semaines.

     A l’extérieur, la vie continuait son cours, monotone, insipide. Il avait neigé en février, la RATP s'était mise en grève, un gagnant au loto était devenu millionnaire, un dictateur avait pris le pouvoir par la force, Hollywood célébrait le mariage d’une star, un journal avait révélé une affaire de fausses factures, des anciens combattants avaient été décorés, le week-end de la Pentecôte avait fait deux cent cinquante-huit morts sur les routes, etc. Bref, rien de particulier.

     Début juin, suite à une ridicule et insignifiante affaire de match de football truqué entre son pays et la Réfolsie, arbitré par un homme en noir à la solde d’un mafieux parieur sportif à ses heures, les choses dégénérèrent.

    Tandis que notre homme sombrait lentement mais sûrement dans une folie douce, les autorités de l’état dans lequel il vivait rompirent leurs relations diplomatiques avec leur voisin frontalier du sud. Puis lui lancèrent un ultimatum, exigeant des excuses publiques pour cette injustice manifeste, cette parodie de rencontre sportive.

    Devant le refus de la nation incriminée, et malgré l'intervention de l'ONU, puis de huit ultimes réunions de la dernière chance, la tension monta encore d'un cran. Des accrochages se produisirent à la frontière commune où les deux armées s'étaient regroupées, avides d'en découdre afin de venger l'affront national du pénalty imaginaire pour les uns, du hors-jeu inexistant et de l’honneur bafoué pour les autres.

     Le 23 juillet, alors que notre illuminé se promenait tout nu à deux heures du matin sur la terrasse de sa maison, il entendit les sirènes hurler. Surpris, il faillit perdre l'équilibre et ne dut son salut qu'à une antenne parabolique à laquelle il s'accrocha tant bien que mal avec ses mains de vieillard.

    Dans un éclair de lucidité, le grabataire sentit que quelque chose d’anormal se produisait. Il rentra à quatre pattes dans la chambre conjugale. Son portable vibrait sans cesse. Il apprit par sa femme, elle-même restée à l'écoute de la radio nationale, qu’un commando ennemi de cinq hommes avait effectué une reconnaissance sur le territoire, et ce au mépris de toutes les conventions internationales qui stipulent que la guerre n’est acceptable que lorsque, d’une part elle est pratiquée en respectant les règles du jeu, sinon ça ne compte pas, et d’autre part on fraternise avec l’adversaire que l’on cherche à éliminer.

    Rien que cela  prouvait un manque total de fair-play, même si le commando en question, de son côté, jurait ses grands dieux qu’il s’était égaré à cause d’un GPS défectueux, sans doute fabriqué à bas coût dans un pays du tiers-monde par des enfants d’âge maternel. Cette lâche et pathétique excuse ne faisait d’ailleurs que corroborer les soupçons de triche lors du fameux match…

    Il faudrait maintenant une riposte, proportionnelle à l'attaque certes, mais une riposte tout de même,  sous peine de passer, auprès des autres nations, pour des poltrons...

    Dans un état second, les yeux exorbités, un rictus de haine aux lèvres, prononçant des paroles inintelligibles, le fou claudiqua dans son bureau personnel, ouvrit un coffre-fort, en sortit un vieux casque rouillé qu'il posa sur sa tête, enfila un treillis poussiéreux dont il eut du mal à boucler la ceinture, et descendit dans le bunker personnel qu'il avait fait construire dans son sous-sol, non sans penser à refermer la lourde porte en fer derrière lui.

    Là, hilare, il ajusta sa tenue, mit difficilement de hautes bottes en cuir et improvisa un défilé au pas de l'oie. Un lecteur CD jouait l'hymne national, avec force tambours et cymbales. Le vieil illuminé chantait le refrain, des trémolos dans la voix. Sa canne lui tenait lieu de fusil imaginaire et, à sa mine réjouie, on devinait qu'il avait déjà envoyé plus d'un ennemi au tapis. Pour sûr, dans son esprit, il était revenu soixante ans en arrière !

    Tout à son imagination, il n’entendit pas les coups répétés frappés à la porte. On le cherchait anxieusement. Pourtant, il avait donné l’ordre la veille de ne le déranger sous aucun prétexte…

    Soudain, il s'immobilisa, touché par la grâce. Il venait d’avoir une illumination. Un large sourire fendit peu à peu son visage craquelé, dévoilant une à une les cinq dents qui lui restaient. Il éclata de rire, pensant au bon tour qu'il allait jouer. De sa bouche qui  restait constamment ouverte coulait un filet de bave.

     Alors il composa mécaniquement sur un clavier une série de douze chiffres, enfonça férocement une clé dans un bouton rouge, puis la tourna d’un quart de tour vers la gauche, déclenchant ainsi irrémédiablement le processus de la riposte nucléaire…

     

     

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  • David et Fatima

     

     

    David et Fatima, vont à l’école en bas

    Ils sont nés le même jour, habitent la même tour

    Leur peau est arc-en-ciel, leur sourire est soleil

    Leur cœur grand comme la France, ils croquent l’existence

    Ils croquent l’existence

     

    Dis-moi au nom de qui quelqu’un l’a circoncis

    Dis-moi au nom de quoi elle porte la burka

    Les barbus sont contents, y’a plus de mécréants

    Dans leurs écoles de haine ils enseignent l’anathème

    Ils enseignent l’anathème

     

    Reprends des légumes verts, la viande n’est pas kasher

    Attends un peu pour boire, il n’fait pas encore noir

    Où est l’école laïque ? Où est la République ?

    Il faut tout accepter, il faut toujours plier

    Il faut toujours plier

     

    Soulève un peu ton voile, regarde les étoiles

    Enlève ta kipa, ton cerveau respir’ra

    Et si ta liberté, c’était pouvoir aimer

    Plutôt que de prier à longueur de journée

    A longueur de journée 

     

    David et Fatima sont amoureux je crois

    Que Moïse les protège, qu’Allah leur vienne en aide

    Laissez donc les enfants rêver au firmament

    Laissez-les donc grandir, laissez-les donc sourire

    Laissez-les donc sourire

     

    Partez faire vos croisades, chanter vos sérénades

    Remarquez que sioniste rime avec islamiste

    David et Fatima sont fiancés je crois

    Puisse notre société savoir les protéger

    Savoir les protéger …

     

     


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  • Radio salle des profs

     

    Exprimez-vous, défoulez-vous,

    C’est pour l’émission « Les forçats d’la nation »

     

    J’les supporte plus ces trous du cul

    Je dois me shooter si j’veux t’nir la journée

    Faut faire comme moi, je tape dans l’tas

    Le premier qui bouge, je l’plie je l’casse en douze

    Sont vraiment nuls, j’leur mets des bulles

    Et tout ça m’inquiète : mais qui paiera ma r’traite ?

    Le niveau baisse, pas leur business,

    Et tous ces vauriens me traitent comme un chien

     

    C’sont les parents les plus méchants

    Te collent un procès si leur fils est mauvais

    Le directeur compte pour du beurre

    Dès qu’y’a un problème, il file en un dixième

    Pas d’matériel, c’est démentiel

    Faudrait investir, ils représentent l’av’nir

    Vois mon salaire, c’est la misère

    J’vais changer d’métier quand j’aurai tout payé

     

    Trop de copies et trop de bruit

    J’suis fin connaisseur des antidépresseurs

    Même les vacances c’n’est pas Byzance

    En plus des congés faudrait des RTT

    Y’a une réforme juste pour la forme

    C’qu’il faut affirmer c’est notre autorité

    Les syndicats n’nous défendent pas

    Et je vous assure : c’est de plus en plus dur

     

     

     


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  • IV

    En vacances

     

    ECJS AS, PPMS CAPES, SES AVS ?

    UNSS IPES, CHS EPS, PPS EMS ! 

    S STS et SNES, RRS AIS, BTS ORS ?

    IUFM ATSEM, TRM DBM, QCM TSM !

     

    J’suis à Honolulu, bien loin de mon bahut

    J’ai besoin de repos, ne m’parlez plus boulot

     

    CPGE CE, FCPE AE, CPE PAE ?

    PE TIPE, PPE FSE, CIE HSE !

    PPRE EPLE CRPE, TPE GFE ?

    ORGANET AFFELNET, INSCRINET PUBLINET, NOTANET et CAPET !

     

    Me voilà mal parti, j’suis tombé sur un nid

    J’ai un d’ces mal de crâne, pitié un doliprane

     

    ASIE et STI, TBI MGI, PAI FAI ?

    CAEI CLEMI, B2I CDI, UPI CUI !

    AROEVEN ESEN, CAPN MAFPEN, SIATEN IEN ?

    CSEN MGEN DSDEN, CAEN et SGEN !

     

    Quelqu’un pour les faire taire, ma vie est un enfer !

    J’ai fui vingt-cinq enfants, je les r’trouve en plus grand !

     

    CRDP LP, INRP CP, ETP CAP ?

    CMPP BP, COP PLP,  BEP ATP !

    ACMO BO bac pro, DAFCO  MO IO, DGESCO CIO ?

    BEPA MA CAPA, PISA GRETA SEGPA, HSA CFA ! 

     

    Bonjour la mélodie, on dirait du Sanskrit

    Vivement la rentrée que j’puisse me reposer

     

    PEGC CESC GIGC, CFC GFC ?

    CAVL APEL, CEL CVL, L RAVEL DCL !

    LPC PLC, CA GAIA IA, MOREA EREA ?

    PEEP RAIP et ONISEP ITEP et enfin ZEP, SIVIS et TICE et CLIS !

     

    Je préfèr’rait encore qu’ils débattent de sport

    De filles, de cul, de fesse, voire même de gonzesses  

     

    ENT SVT, LGT IUT, PFR IPR ?

    IDD AED, EDD BCD, ASH DGH !

    CCSD IG, CFG DHG, FSU et SASU ?

    CE1 LV1, CM2 LV2, SUPPLE et DNB !

     

    Ils ne s’écoutent pas, mais ils n’arrêtent pas,

    Et comme ils n’manquent pas d’air,

    m’achèvent avec des « r »

     

    RASED Iprof DAREIC CRIJ CROUS RAR DRAC… je craque !


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  • L’hymne des enseignants

     

    C’est l’hymne intello  pour une telle et untel ho !

    C’est l’hymne des lycées, pour Homère et Ulysse hé !

    C’est l’hymne des collèges  mais combien d’heures de colle ai-je ?

    C’est l’hymne du primaire  vois ce que j’ai appris, mère !

     

    L’hymne des enseignants, il s’apprend en saignant.

    On va s’dévergonder, on va se dégonder.

    Il faut tout corriger, je suis encore usé.

    J’enseigne toute la semaine et moi je suis lasse, men.

    J’veux apprendre la guitare, je reste avec Guy, tard.

    C’est le prof de musique, c’est le prince des muses hits.

    Dans mon cours de physique, ils voient que mon physique.

    J’parle attraction des masses, ils crient : « fuyons l’hommasse ! »

     

    Moi c’est littérature, l’pro du Littré, ratures.

    Ils ne savent plus écrire, juste rapper et rire.

    J’suis la prof d’espagnol, j’aime Cervantès, Pagnol.

    La classe c’est mon arène, quand j’entre je suis la reine.

    Je suis l’prof de techno, I’m very High tech, no ?

    I work sur mon PC, je milite au PC.

    Moi j’enseigne la chimie, je joue d’mon alchimie

    Et de mon décolleté pour les ados m’colter.

     

    Je suis le prof d’all’mand, absent général’ment.

    J’attends mes soixante ans, tu vois comme ça s’entend.

    J’suis la prof d’arts plastiques, ils reluquent ma plastique.

    Ils aiment maths et dessin, j’les provoque à dessein.

    Je suis l’prof du gymnase, je leur fais d’la gym nase :

    Dans mon cours faut courir, ils peuvent pas beaucoup rire.

    Je suis la prof de maths, wonderbra on me mate ;

    Mon tailleur très étroit, égalent seize, posez trois.

     

    Moi c’est l’histoire géo, je suis ce soir G.O.

    J’leur parle chronologie, m’répondent nécrologie.

    Et moi c’est la philo, ou plutôt la folie.

    Tu lis Kant et Platon, ils traduisent : « quand part-on ? »

    Je suis l’prof d’ SVT, voter nul, est-ce voter ?

    Journée géologie, soir âgé au logis.

    Quand j’vois tout c’que l’on donne pour leur apprendre London !

    Si je lis du Shakespeare, ils croient qu’c’est Britney Spears !

     

    J’viens du Mont Palatin, même si t’aimes pas l’latin.

    Tu fais ton thème Caton, et si on t’aime, qu’a-t-on ?

    Quant à moi, l’infirmière, j’ai vu Firmin hier ;

    Il m’a dit : « je les vaux, je veux la Norlevo »

    C’est moi le proviseur, j’suis un pro du viseur.

    Va pas m’la raconter, faut pas mettre à côté !

    J’suis l’assistant social, j’veux l’ascenseur social.

    J'remplis des tas d'papiers, ça sert à rien, pas l'pied.

     

    C’est nous l’Education, aux caduques actions.

    On remplace les parents trente-six semaines par an.

    Tous les mois, on défile, le ministre se défile.

    On est considérés comme des cons, sidérés.

    On n’est pas des fainéants, mais ce qu’on fait, néant.

    On n’est pas des lavettes, ce soir on fait la fête.

    Plus de mondanités, mais des insanités.

    Y’a plus d’pédagogie, on prend l’pied dans l’orgie !

     


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